Le changement climatique est la menace de ce siècle. Malgré sa faible contribution à la pollution de la planète, le continent africain est directement touché . Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires, le nombre de personnes ayant besoin d’aide humanitaire pourrait doubler d’ici 2030. Les femmes constituant la majorité des personnes à faible revenus et dont la survie dépend essentiellement des ressources naturelles et du milieu rural sont les premières victimes.
Les femmes ont 14 fois plus de risques que les hommes de mourir en cas de catastrophe naturelle selon le PNUD. Le changement climatique impacte directement sur leurs droits et entraîne une plus grande violence basée sur le genre, l’augmentation des mariages d’enfants, un retrait des filles de l’école, la mortinatalité et la limitation de l’accès à la contraception. Dans des conditions climatiques extrêmes, comme les périodes de sécheresse et les inondations, les femmes tendent à travailler plus pour garantir leurs moyens de subsistance, ce qui leur laisse moins de temps pour se consacrer à la formation et à l’éducation, au développement des compétences ou pour percevoir un revenu. On constate aussi que lorsque des ressources sont allouées aux pays en développement pour les aider à faire face au changement climatique, comme dans le cas du Fonds vert pour le climat, l’argent est souvent redirigé vers des grands projets technologiques portés à 70 % par des hommes, selon une étude de l’ONU Femmes parue en 2020.

Pour la journée internationale des droits des femmes qui s’inscrit sous le thème de « L’égalité aujourd’hui pour un avenir durable », nous faisons un état des lieux de la situation des femmes face à la menace climatique et dans le milieu rural des 8 pays de notre réseau des Jeunes féministes d’Afrique de l’Ouest.
Burkina Faso
La position géographique du Burkina Faso, comme pays sahélien enclavé au cœur de l’Afrique de l’Ouest, le rend particulièrement vulnérable aux changements climatiques. Inondations et sécheresses peuvent se produire dans la même zone avec seulement quelques mois de différence. Par exemple, les produits du karité font vivre 1,5 millions de personnes, dont 90% de femmes. Mais depuis plusieurs années, l’arbre à karité est exposé à de nombreuses menaces dont le vieillissement des parcs, l’attaque de parasites, la déforestation et surtout les menaces liées aux changements climatiques. C’est dans cette optique que des femmes comme Blandine Sankara, soeur du président assassiné Thomas Sankara, ont décidé de se lancer dans l’agroécologie, c’est à dire la conservation des sols et de l’eau, l’agroforesterie, la culture intercalaire avec des légumineuses, l’utilisation de semences locales à cycle court et la production de légumes en saison sèche. Elle a créé en 2012 l’association Yelemani (« Changement », en langue Dioula). Dans cette ferme de deux hectares, elle a développé avec d’autres femmes un projet inédit d’agroécologie. Elles cultivent des légumes locaux tout en promouvant des méthodes agricoles respectueuses de l’environnement et de l’humain. Pour elle : « L’agroécologie est un acte décolonial et le droit des peuples à décider de leur alimentation est important. La souveraineté alimentaire, c’est la capacité autonome à produire et à disposer de biens et de services locaux, c’est donc toute la chaîne qu’il faut viser. C’est une question de choix : soit on a le regard uniquement tourné vers le présent, soit on réfléchit à l’avenir. »
Sénégal
Les femmes rurales sénégalaises constituent près de 70% de la force de travail et assurent un peu plus de 80% de la production agricole, notamment dans les cultures vivrières. Elles sont dans le maraîchage, l’exploitation et la vente du sel, la transformation de produits agricoles et la vente de céréales, de fruits et légumes, etc. Les femmes sont moins instruites et plus touchées par la pauvreté que les hommes. En 2012, à l’appel de l’association « Vacances Vertes », une centaine de femmes rurales se sont réunies à Dakar pour réclamer une justice climatique. Elles ont parcouru des kilomètres, pancartes à la main, pour déplorer les conséquences du changement climatique dans leur quotidien ; pollution, perturbation des saisons et des écosystèmes, perte de la biodiversité, insécurité alimentaire et pauvreté.
Guinée
Les guinéennes sont plus vulnérables quand il n’y a pas d’eau potable car en tant que responsables de la corvée d’eau et principales utilisatrices de l’eau dans le ménage, elles sont plus souvent en contact avec l’eau polluée et encourent plus de risques d’attraper les maladies transmises par celle-ci.
Selon l’étude sur l’autonomisation des femmes dans le secteur minier (MASPFE, 2015), 40 % des personnes travaillant dans le secteur minier artisanal sont des femmes. Elles travaillent de manière informelle dans les sites d’exploitation et ne sont pas impliquées dans le processus de négociation des retombées du travail. Malgré leur forte contribution au secteur agricole où elles sont présentes à hauteur de 80 % , les femmes guinéennes font face à des discriminations dans l’accès aux ressources productives, telles que la terre, le crédit, les intrants, les moyens de production et la technologie, ce qui limite leur productivité. Fatoumata Cissoko est une jeune guinéenne agro entrepreneure : “Je me suis positionnée dans le secteur de la transformation agroalimentaire dominé par les hommes . Je produis environ 16 tonnes d’ananas séchés par an et j’ai également ouvert un restaurant bio qui me permet de compléter la chaîne de production.Mon entreprise permet de fournir un emploi à plus d’une centaine de femmes organisées en coopératives”
Bénin
Au Bénin, l’agriculture est faite par près de 70% de la population. Les changements climatiques impactent négativement ce secteur avec la rareté des pluies, la sécheresse et la baisse des rendements. Les Béninoises sont les 1ères touchées par la déforestation, qui entraîne un faible rendement agricole et le départ vers les villes des époux, abandonnant ainsi les enfants à la seule charge des femmes. Selon une étude menée par le Centre de recherche et d’expertise pour le développement local (CREDEL), les femmes des milieux ruraux au Bénin sont les laissées pour compte dans les politiques, malgré leur vulnérabilité à ce phénomène. C’est pour pallier ce manque que Marcelline a décidé de s’impliquer dans la lutte contre les changements climatiques au Bénin.
Marceline s’est reconvertie en pépiniériste d’essences forestières à croissance rapide. Malgré son handicap physique, elle est devenue aujourd’hui une actrice incontournable dans la lutte contre les changements climatiques au Bénin : “C’est l’approche genre qui me fait gagner tout ça, car j’étais la seule femme à m’investir dans ce métier ».
Côte d’Ivoire
L’économie ivoirienne est essentiellement basée sur l’agriculture. Cette dernière occupe 67% de la main-d’œuvre féminine, qui travaille dans l’agriculture de subsistance et assure 60 à 80 % de la production alimentaire. Les femmes connaissent des difficultés, depuis l’accès au foncier jusque dans les activités de transformation et de commercialisation de leurs produits vers les marchés urbains. Les structures d’appui au développement agricole offrent peu de soutiens matériels et en appui-conseil aux productrices.
Selon un rapport de la Banque mondiale sur la Côte d’Ivoire, seules 8% des femmes détiennent un titre foncier. En 2016, les femmes-agricultrices utilisaient 1,9 et 1,7 fois moins d’engrais et de pesticides que les hommes. On remarque donc que les ivoiriennes sont plus enclines à la protection de l’environnement que leurs compatriotes.
C’est ainsi qu’en 2020, Darlène Kassem a lancé une pétition sur ses réseaux sociaux contre deux centrales à charbon qui seront construites dans sa ville de San Pedro d’ici 2024. Avec cette pétition, elle souhaite d’abord informer et sensibiliser la population ivoirienne sur l’impact environnemental d’une centrale à charbon. “Je veux motiver les ivoirien.nes à adopter une manière de vivre plus écolo, respectueuse de l’environnement. Réduire, réutiliser, réparer, recycler et réinventer : ce sont les principes que l’on peut mettre en pratique au quotidien.”
Mali
La moitié de la population engagée dans l’agriculture au Mali à savoir le maraîchage – vente et production de produits ligneux non forestiers, sont des femmes. Cependant, les conséquences du changement climatique, comme la dégradation des ressources naturelles et de la terre, rendent les femmes plus vulnérables ; 83% des maliennes ont un revenu inférieur à celui de leur époux . Selon l’étude de 2012-2013 (EDSM-V) sur la démographie et la santé au Mali, seulement 9% des femmes possèdent leur propre terre. 61% des femmes ne possèdent pas du tout de terre, et 26% des femmes sont en coopérative (avec le mari ou un autre membre de la famille). C’est pour ça que l’activiste féministe et ecologiste malienne Mariam Diallo Drame, présidente de l’Association Femmes, Leadership et Développement durable (Afled), se bat depuis plus de 10 ans pour préserver la planète. Pour elle, il est urgent « d’instaurer une justice climatique qui prenne en compte le genre ». Elle fait le lien entre les luttes féministes et écologiques.
Mauritanie
La désertification est très avancée en Mauritanie et le pays est particulièrement vulnérable aux effets du changement climatique et à d’autres chocs externes. Les principales sources de revenus sont l’agriculture. La terre est l’une des principales ressources du pays, mais aussi une source majeure de conflits en raison de la disponibilité limitée de terres arables et de l’urbanisation galopante. Malgré l’intérêt des femmes à accéder à la propriété foncière, on remarque que sur les 27 000 titres de propriété enregistrés au niveau national, seulement 2146 (soit un peu moins de 8%) sont détenus par des femmes. La majorité des Mauritanien·ne·s vivent dans l’insécurité foncière en termes d’enregistrement de leurs propriétés foncières individuelles ou collectives. Ceci est encore plus accentué pour les femmes. Les femmes sont généralement exclues des aménagements agricoles, alors que ce sont elles qui s’adonnent principalement au maraîchage, qui contribue fortement à la résilience des ménages et à lutte contre l’insécurité alimentaire. La Banque mondiale a lancé un projet hydro-agricole soutenu par la Banque africaine de développement qui contribue à réduire la pauvreté et à renforcer l’autonomisation des femmes. Près de 150 productrices se sont ainsi regroupées dans une coopérative pour tirer de meilleurs dividendes de leurs exploitations agricoles.
« Je vis ici sur cette exploitation avec mon époux, mes enfants et mes petits-enfants. Je produis assez pour nous tous et aussi pour vendre le surplus sur les marchés.” s’enthousiasme Oumou Salif Diop, présidente de la coopérative
NIGER
Les effets du changement climatique se traduisent au Niger non seulement par l’augmentation des températures extrêmes, mais aussi par des périodes de sécheresse ou d’inondations provoquant dans les deux cas des pertes et dommages considérables et mettant à rude épreuve la résilience des populations et de leurs systèmes de production. Le secteur du développement rural occupe 81% de la population active et contribue à hauteur de 42,8% au PIB du pays. Les femmes représentent 49,5% de la population agricole nationale et jouent un rôle de premier plan dans de multiples activités agricoles. Les femmes, qui constituent une importante frange de cette population agricole, piliers des systèmes de productions agricoles du pays, sont les plus sensibles aux impacts des changements climatiques.
Haoua Bizo est l’une des rares femmes maires au Niger dans la commune de Kiéché. L’insécurité alimentaire, particulièrement celle des femmes, lui tient à cœur . “Nous soutenons plusieurs activités génératrices de revenus. Par exemple, les femmes les plus vulnérables reçoivent trois chèvres et un bouc, qu’elles ‘remboursent’ lorsque leur élevage est bien lancé. Et comme nos administrés voient ce que l’on peut faire avec l’argent public, ils sont beaucoup plus enclins à payer leurs taxes ! Ce qui nous donne les moyens d’investir davantage dans notre commune. »